Visages d’une maladie

EN SOUVENIR DE REGULA WIPF-LANDOLT

Elle a développé des instruments techniques pour l’industrie textile et travaillé en Allemagne, Angleterre, Italie et aux États-Unis. Peu de temps après son départ à la retraite, Regula Wipf est diagnostiquée de la maladie incurable SLA.

Depuis, il y a une vie d’avant le diagnostic et une vie post-diagnostic, disait-elle dans notre rapport annuel 2022. Nous lui avions rendu visite chez elle, avions fait la connaissance de sa famille et l’avions accompagnée en nous rendant ensemble dans un environnement où elle se sentait à chaque fois heureuse en dépit de sa lutte incessante contre la maladie : l’écurie. Là où Regula Wipf retrouvait deux fois par semaine, avec son mari et sa fille, son cheval Novato, qui signifie débutant en espagnol. « Quand je suis en selle, je me sens libre », aimait-elle décrire ces moments, transportée de joie.

Il y a une bonne semaine, Regula Wipf s’est éteinte à l’âge de 70 ans. Nous adressons à sa famille nos sincères condoléances et toute notre sympathie et lui souhaitons beaucoup de force dans cette douloureuse épreuve. Que nous puissions également puiser du réconfort dans les moments vécus avec la défunte. Nous garderons d’elle le souvenir d’une femme extrêmement déterminée qui réussissait à exprimer comme devise de vie « Aujourd’hui il y a un maintenant. »

Regula Wipf-Landolt, 1er août 1955 au 6 août 2025

Le tatillon sous des airs charmants

Manuel Arn de Bienne vit depuis plus de dix ans avec la maladie incurable qu’est la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Même si elle a radicalement chamboulé sa vie, cette maladie ne fait que l’accompagner. Une histoire en cinq parties où il est question des vicissitudes de la vie mais aussi de la santé et de l’insaisissable.

Manuel Arn est atteint de SLA, une maladie neurodégénérative incurable à évolution progressive qui limite généralement l’espérance de vie à trois ans dans le pire ou à cinq ans dans le meilleur des cas. Père de deux fils, il vit avec cette maladie déjà depuis plus de dix ans, faisant ainsi partie des quelque vingt pour cent des personnes touchées chez lesquelles la maladie progresse de manière nettement plus lente.

Voyage vers soi-même Interrogé au sujet de son rapport à cette maladie, Manuel Arn répond : « J’en retire même un effet salutaire ». Ce n’est pas « sa maladie », poursuit-il ; elle ne fait que l’accompagner. Après les premiers examens médicaux, on lui a fait savoir que son état était très grave. À l’époque, il ne voulait pas le croire. Il était en forme, était au début de la quarantaine mais se sentait physiquement fatigué et affaibli. D’un jour à l’autre, il a commencé à trébucher régulièrement en marchant et parfois même à tomber. Auparavant, il avait connu pour la première fois les vicissitudes de la vie et était passé par une période difficile. Aujourd’hui, il compare la maladie dont il est atteint à un voyage vers une prise avec lui-même.

De l’amour de la vie Manuel Arn vit en couple et a deux fils bientôt majeurs. Il se décrit lui-même comme tatillon sous des airs charmants. Son sens de la précision résulte peut-être de sa profession initiale de mécanicien de machines. Il a un faible pour tout ce qui est esthétique et bon et pour toutes les personnes ou formes exubérantes et courageuses. De même, il se plaît dans son rôle de père et a un intérêt prononcé pour la musique, la spiritualité, l’amour, la philosophie et l’art. En outre, il est attiré par l’insaisissable, la vie et les personnes avec leurs histoires et leur vécu.

Bénéfice personnel Manuel Arn habite la périphérie de Bienne et occupe aujourd’hui huit assistantes à temps partiel qui l’épaulent dans son quotidien. Au cours des huit dernières années, il s’était engagé au sein du comité de SLA Suisse : « Œuvrer ainsi pour une bonne cause m’a particulièrement tenu à cœur et a été très gratifiant », se souvient-il de cette période. Et il en a aussi tiré un grand bénéfice à titre personnel ; SLA Suisse l’a rendu plus fort même si, comme toutes les personnes atteintes de la maladie, il doit supporter lui-même la charge de la maladie. Mais l’association les unit et leur montre qu’elles ne sont pas seules. C’est ainsi qu’il utilise assidument les offres de SLA Suisse, qu’il a recours aux moyens auxiliaires fournis par l’association, prend part aux diverses rencontres et garde un excellent souvenir de nombreuses semaines de vacances au Tessin. L’association le tient au courant de l’actualité et lui donne l’occasion, lors des journées nationales sur la SLA, de cultiver l’appartenance à une communauté enrichissante.

SLA Suisse Créée en 2007, l’organisation soutient les personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique (SLA) et leurs proches en mettant à leur disposition une offre de prestations de plus en plus étendue :

  • Remise en prêt de moyens auxiliaires
  • Consultation sociale, accompagnement psychologique et conseil sur la situation d’habitation
  • Aide directe lors de difficultés financières aiguës
  • Rencontres d’entraide et d’échange en présentiel et en ligne
  • Mise en réseau et formation de professionnel·le·s
  • Semaine de vacance annuelle réservée aux personnes directement touchées et à leurs proches

Sclérose latérale amyotrophique (SLA) La maladie incurable qui affecte le système nerveux central et périphérique provoque dans les mois et années qui suivent le diagnostic des paralysies progressives de toutes les parties du corps, limitant généralement l’espérance de vie dans une mesure très importante et se répercutant dans de nombreux cas sur les capacités cognitives. En Suisse, environ 600 personnes sont atteintes de SLA, un chiffre qui avoisine les 400’000 à l’échelle mondiale. La maladie se déclare le plus souvent dans le midi de la vie, un peu plus souvent chez les hommes que chez les femmes.

De la joie de vivre

Manuel Arn a la petite quarantaine lorsqu’il est diagnostiqué de la SLA, une maladie incurable. Malgré ce coup du sort, il est à ses dires heureux. Un récit en cinq parties sur une étape de la vie marquée par la gratitude, le « tenir prise » et la compassion.

Manuel Arn explique qu’il ressent la vie comme quelque chose de sensé et de sensoriel. Pour lui, la perception de la vie fonctionne à travers les sens et les émotions, précise-t-il. Entrevue avec ce père de deux fils qui vit depuis plus de dix ans avec la maladie incurable nommée sclérose latérale amyotrophique (SLA).

Il existe la notion de bénéfice secondaire de la maladie qui désigne les « avantages » que quelqu’un peut tirer de sa maladie, par exemple lorsqu’elle l’autorise à être libre de toute obligation. Pourrait-on parler d’une carte blanche ? Oui, effectivement. Je dirais même qu’il est utile de pouvoir se la donner soi-même. Il m’a fallu du courage pour me permettre de savourer la vie selon mes possibilités.

Comment vous y êtes parvenu ? Lorsque les premiers symptômes se sont manifestés, j’ai entendu l’histoire des gens qui pleuraient la perte d’une vie non vécue. Je l’ai alors rapportée à ma propre vie en me demandant si c’était bien la vie telle que je l’avais imaginée. Ce constat a été très dur à encaisser. J’ai par la suite dû modifier ma propre vie.

Par quelle voie pouvez-vous contrecarrer l’attente voulant que cette maladie implique nécessairement un mal-être ? J’ai connu la vie en tant que personne bien portante et me souviens de jours où je ne me réveillais pas du tout avec le sentiment que la vie était belle ! Non, il y a des moments dans la vie où celle-ci te lance un défi afin de pouvoir reconnaître, apprendre ou expérimenter quelque chose. Cette maladie, je n’arrive pas à l’éliminer. Mais mettre à profit mon temps pour faire l’expérience de moi-même, de ma créativité et de mon efficacité, voilà ce qui me rend libre. Naturellement, il y a des choses qui me bouleversent ou me font perdre patience. Aujourd’hui, je le vis consciemment, je peux me demander si j’aurais pu faire mieux. J’exige de moi-même de pouvoir tenir prise. Lorsque les choses se déroulent sans difficulté, il est facile d’en venir à bout. Lorsqu’elles ne se passent en revanche pas comme prévu, cela devient intéressant.

« J’aime les choses insaisissables. »
Manuel Arn

Comment vous accrochez-vous lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu ? Changer de plan. Entrer en mouvement. Bien entendu, cela ne fonctionne pas chaque fois. Il y a une année, j’ai eu par deux fois une grave pneumonie dont j’ai failli mourir. J’en ai heureusement réchappé, ce qui n’était pas mon mérite. Simplement merci car je suis volontiers sur cette terre. Je trouve plus intéressante une attitude consistant à être reconnaissant de ce qui me fait avancer dans la vie. C’est une perspective qui m’offre une meilleure vie à un moment où les circonstances dans lesquelles je vis sont relativement compliquées. Pour moi, cette maladie renferme un très grand potentiel pour regarder, devenir patient, célébrer l’espoir et pratiquer la gratitude.

Qu’est-ce qui vous permet également de vous accrocher ? Il y a évidemment des personnes qui me sont très proches et qui sont très importantes dans ma vie, pour mon bien-être et mon équilibre. En même temps, je me vois comme le moteur de ce partage. Lorsqu’on connaît la peine, on peut soit s’isoler et se dire qu’on est un « pauvre diable », soit compatir à sa situation, ce qui permettra d’en faire de même envers les autres. Il est possible que je me serais engagé dans cette voie même sans cela. Mais j’ai affronté une urgence qui m’a poussé à oser quelque chose. Qui sait, oser à la fois être malade et heureux ? Je crois que nous avons besoin de faire face à des événements pour qu’il se passe quelque chose dans notre vie. Je vois une grande force dans la peine.

SLA Suisse Créée en 2007, l’organisation soutient les personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique (SLA) et leurs proches en mettant à leur disposition une offre de prestations de plus en plus étendue :

  • Remise en prêt de moyens auxiliaires
  • Consultation sociale, accompagnement psychologique et conseil sur la situation d’habitation
  • Aide directe lors de difficultés financières aiguës
  • Rencontres d’entraide et d’échange en présentiel et en ligne
  • Mise en réseau et formation de professionnel·le·s
  • Semaine de vacances annuelle réservée aux personnes directement touchées et à leurs proches

Sclérose latérale amyotrophique (SLA) La maladie incurable qui affecte le système nerveux central et périphérique provoque dans les mois et années qui suivent le diagnostic des paralysies progressives de toutes les parties du corps, limitant généralement l’espérance de vie dans une mesure très importante et se répercutant dans de nombreux cas sur les capacités cognitives. En Suisse, environ 600 personnes sont atteintes de SLA, un chiffre qui avoisine les 400’000 à l’échelle mondiale. La maladie se déclare le plus souvent dans le midi de la vie, un peu plus souvent chez les hommes que chez les femmes.

Devenez ambassadeur·drice de la SLA !

Aimeriez-vous contribuer à visibiliser davantage la SLA et donner une voix aux personnes qui sont directement touchées par cette maladie et à leurs proches ? Nous cherchons des personnes disposées à partager à leur gré leurs expériences avec le public. Pour cela, nous vous prions de :

  • nous faire parvenir une photo montrant votre visage ou immortalisant des moments particuliers de votre vie ;
  • nous livrer votre récit : votre vécu peut encourager d’autres personnes vivant une situation similaire et leur signaler qu’elles ne sont pas seules à devoir faire face à une telle expérience,
  • nous envoyer une vidéo par laquelle vous nous faites revivre des moments émouvants de votre vie.
  • En vous faisant l’ambassadeur·drice de la SLA, vous représenterez de manière authentique les intérêts et les besoins des personnes qui sont atteintes de cette maladie en faisant part de vos expériences et convictions.

Par votre engagement, nous pourrons toucher un large public et le sensibiliser plus profondément à la SLA et à la situation de celles et ceux qui en souffrent. Si vous désirez soutenir SLA Suisse en public et partager vos expériences, nous nous réjouissons de votre prise de contact.

Prenez votre courage à deux mains en nous adressant un courriel à info@sla-suisse.ch ou en nous appelant au numéro 044 887 17 20.

LE BONHEUR D’AVOIR DES AMIS FIDÈLES

Nicolas Gloor #6 : À l’âge de 26 ans, Nicolas Gloor se voit diagnostiquer une maladie neurodégénérative incurable connue en Suisse sous l’acronyme SLA. Durant les deux ans qui suivent le diagnostic, il continue à vivre dans son appartement, avant de déménager dans un établissement médico-social. Un an après son entrée en EMS, SLA Suisse est allé le trouver dans son nouvel environnement quotidien pour prendre de ses nouvelles. Dans ses paroles, il y a de la gratitude pour ses amis et sa famille mais il exprime également d’autres ressentis.

Lorsque nous vous avons rendu visite en décembre 2023, vous nous disiez que vous ne vouliez pas attendre le dernier moment pour déménager dans un home médicalisé. Avez-vous choisi le « bon moment » ? Je pense que oui. La vie à la maison devenait de plus en plus compliquée et j’étais mentalement prêt à faire ce pas. En outre, mes proches s’étaient fait beaucoup de soucis pour moi parce que je vivais seul.

Vous vous inquiétiez alors d’être entouré de personnes âgées et malades dans un EMS. Comment voyez-vous cela aujourd’hui ? J’entretiens des relations cordiales avec les autres résidents sans toutefois participer grandement à la vie communautaire. Ce qui est positif, c’est que je m’entends bien avec le personnel soignant, qui fait partie de ma génération et dont la profession est similaire à celle que j’exerçais avant.

Les premiers effets handicapants de votre maladie se sont manifestés le jour où vous ne pouviez plus retirer la poêle de la cuisinière. Comment la maladie évolue-t-elle, à quoi avez-vous dû vous adapter dans l’intervalle ? J’ai entre-temps perdu ma mobilité et mon autonomie. De plus, je ne peux plus marcher, suis presque totalement paralysé des membres supérieurs, m’alimente par sonde gastrique et j’ai beaucoup de mal à parler. On peut vraiment dire que c’est un coup dur à encaisser. Grâce à mon ordinateur avec commande oculaire, je peux heureusement encore accéder aux réseaux sociaux, à ma boîte de messagerie et aux plateformes de streaming.

Avez-vous encore beaucoup de contacts personnels avec vos amis et votre famille ? Oui, j’ai la chance d’être très bien soutenu et de recevoir des visites tous les jours. J’ai des amis très fidèles et une famille extraordinaire qui fait tout pour mon bien-être. Je suis également plus libre qu’avant, lorsque l’horaire des soins journaliers était fixe et qu’ils se terminaient toujours avant 21 heures. Aujourd’hui, je peux sortir et rentrer à ma guise.


Institution Lavigny Le pasteur vaudois Charles Subilia a fondé en 1906 une institution pour recueillir des personnes qui n’étaient pas admises auprès des institutions de bienfaisance. Aujourd’hui, l’institution comprend une école, des ateliers protégés ainsi qu’un hôpital et des logements pour les personnes en situation de handicap. Par exemple le Plein Soleil à Lausanne, l’une des rares institutions du canton de Vaud à accueillir des personnes atteintes de SLA ilavigny.ch


À propos de Nicolas Gloor est éducateur social et a 26 ans lorsqu’on lui diagnostique une sclérose latérale amyotrophique (SLA). Cette maladie neurodégénérative est incurable et réduit drastiquement son espérance de vie. Alors qu’il vit au début dans son propre appartement, Nicolas Gloor déménage deux ans après le diagnostic dans un établissement médico-social. Aujourd’hui, la partie supérieure de son corps est presque entièrement paralysée ; de plus, il ne peut plus marcher et s’alimenter qu’avec une sonde gastrique (PEG). Il bénéficie aussi de l’aide de SLA Suisse qui apporte depuis 17 ans son soutien aux personnes directement touchées par la maladie et à leurs proches en mettant à leur disposition une multitude d’offres, comme la remise en prêt de moyens auxiliaires, le Voice Banking, etc.

> Visages d’une maladie

Être là l’un pour l’autre et partager

Nicolas Gloor #5 : Le jeune homme de Renens (VD) est au seuil de sa carrière professionnelle d’éducateur social et effectue un séjour d’études de six mois au Sénégal. De retour en Suisse, il nourrit et développe la vision d’offrir une perspective aux enfants de la rue de ce pays d’Afrique occidentale, ayant été témoin d’enfants victimes de traite des mineurs enlevés à leurs familles, dépossédés de leurs droits et opprimés.

Nicolas Gloor veut jeter un pont avec la Suisse et nous faire comprendre que notre bonheur ne va pas de soi : « Je ne pouvais simplement pas continuer mon traintrain quotidien après avoir vécu une telle expérience », se rappelle-t-il. Mais les choses ne devaient alors pas se passer comme il l’avait imaginé. Après avoir créé une fondation pour son projet, il est diagnostiqué de la maladie incurable qu’est la SLA. Très vite, il est contraint de mettre de côté ses plans visant à s’engager en faveur des enfants de la rue, devant au lieu de cela organiser son propre avenir.

Mais le message dont il s’est inspiré au Sénégal continue de le guider en Suisse : « Il ne sert à rien de vivre sa vie si tu ne partages pas. » Car le souci du partage est omniprésent au Sénégal et on y partage même le peu qu’on a. « Yakaar » – tel est le nom de sa Fondation – signifie lueur d’espoir et cette organisation était prévue pour ramener les enfants des rues sénégalais à leurs familles, où l’on partage mutuellement, est là l’un pour l’autre et passe du temps ensemble. Aujourd’hui, Nicolas Gloor met en pratique ce message dans sa propre vie en passant le plus de temps possible avec ses proches et ses amis. En partageant sa vie avec eux. C’est ainsi qu’il incarne lui-même cette lueur d’espoir.

> Visages d’une maladie

#4 Nicolas Gloor: AU-DELÀ DE son propre destin

Trois ans avant d’être diagnostiqué de la SLA, âgé alors de 26 ans, Nicolas Gloor s’envole pour le Sénégal pour y passer un séjour d’études de six mois. Dans l’avion qui doit l’amener dans ce pays africain, il se demande pourquoi justement cette destination. Se rappelant ce moment, il dit qu’il l’a choisie par pur hasard. Plus tard, il décrira cette période comme l’une des meilleures de sa vie.

Arrivé à Dakar, Nicolas Gloor travaille au sein d’un centre d’accueil et d’hébergement d’urgence où il rencontre des enfants et des jeunes vivant dans la rue depuis de nombreuses années, séparés de leurs familles, battus et enchaînés. « Leur sort m’a profondément touché et je ne voulais pas retourner en Suisse sans entreprendre quelque chose », raconte-t-il. Le futur éducateur social crée une fondation dont le but est de sensibiliser les pays européens à la situation des enfants de rue en Afrique. C’était il y a six ans. Encore aujourd’hui, il entretient des contacts occasionnels avec des jeunes qu’il a accompagnés à l’époque. « J’aimerais bien me rendre à nouveau au Sénégal mais étant en fauteuil roulant, je ne peux pas l’envisager », regrette-t-il.

« Nicolas a toujours eu les deux pieds sur terre » Elisa Kila, meilleure amie

Le séjour au Sénégal et les impressions indélébiles qu’il en a retirées devaient fortement marquer le jeune homme. Le sort des enfants de la rue et la dureté de leur quotidien l’ont marqué à jamais. Elisa, sa meilleure amie, le caractérise ainsi : « Nicolas a toujours été interpellé par l’injustice. Il l’a vue de ses propres yeux lorsqu’il séjournait au Sénégal. Mais depuis que je le connais et jusqu’à aujourd’hui, il a toujours gardé les deux pieds sur terre. » Il n’a jamais cessé de puiser sa force de vivre avec cette grave maladie qu’est la SLA en s’inspirant de son vécu au Sénégal. Cette expérience de vie lui a enseigné qu’il existait quelque chose qui dépasse son propre destin.

Une lueur d’espoir Durant son séjour de formation pratique dans une structure d’hébergement d’urgence à Dakar, Nicolas Gloor est confronté à la situation d’enfants et de jeunes vivant dans la rue, séparés de leurs familles, battus et enchaînés. Cette expérience l’incite à créer une association dans le but de mettre en place un centre d’accueil pour ces mineurs défavorisés Accueil | Yakaar : une lueur d’espoir

À propos de : Nicolas Gloor (28) est éducateur diplômé et a œuvré auprès d’un centre d’accueil pour enfants des rues dans la République du Sénégal. De retour en Suisse, il fonde une association en 2020 dont le but est de soutenir des organisations locales. Même s’il avoue s’être rendu au Sénégal par pur hasard, il y a vécu l’une des meilleures périodes de sa vie.

> Visages d’une maladie

#3 Nicolas Gloor: Pas des pessimistes

Nicolas Gloor a 26 ans lorsqu’il apprend qu’il est atteint de la SLA, cette maladie neuromusculaire incurable qui touche au moins 600 personnes en Suisse. C’est à toutes ces personnes et à leurs proches que l’Association SLA Suisse apporte son soutien depuis 17 ans, que ce soit par la mise en relation avec des professionnels ou la remise en prêt de moyens auxiliaires. C’est par ce canal que Nicolas Gloor a pu entrer en contact avec un thérapeute qui l’a informé de l’existence du dépôt de moyens auxiliaires au sein de l’Association. Cette offre a déjà souvent rendu de précieux services aux personnes atteintes de la SLA. Sans de tels moyens, le quotidien avec la SLA ne serait guère imaginable, la maladie limitant à de nombreux égards les possibilités des personnes directement touchées et de leurs proches. Il s’agit d’une maladie progressive dans la mesure où l’état de santé de la personne qui en est atteinte se détériore à vue d’œil et cela de manière irréversible. En outre, sa progression est généralement très rapide, si bien qu’il est essentiel d’obtenir à chaque fois dans les plus brefs délais le moyen auxiliaire correspondant au mieux au stade de la maladie. C’est à la lumière de cette nécessité qu’après sa fondation, l’Association SLA Suisse a créé le dépôt de moyens auxiliaires à la disposition des membres souhaitant disposer immédiatement du matériel technique dont ils ont besoin. On peut y obtenir par exemple des lits de soins, des matelas à pression alternée prévenant les escarres et divers fauteuils roulants.

Fauteuil roulant livré dans un délai d’une semaine Avec la SLA, même des gestes du quotidien peuvent devenir irréalisables : aller chercher un verre d’eau – impossible sans l’aide d’autrui. Les moyens techniques permettent de maintenir plus longtemps   l’autonomie ou du moins de l’améliorer dans certains domaines de la vie. Il en est ainsi en matière de mobilité, de respiration et de communication. Toutefois, l’autorisation, l’acquisition et l’adaptation individuelle de ce matériel prennent du temps et exigent des moyens financiers et bien souvent le savoir-faire de spécialistes. Étant touché en tant que personne bénéficiant de l’AI, Nicolas Gloor a droit à une prise en charge des moyens auxiliaires par l’AI. Cependant : « Avec l’AI, j’aurais attendu six mois pour disposer de mon fauteuil roulant », se souvient Nicolas Gloor. Grâce à l’Association SLA Suisse, il l’a reçu au bout d’une semaine. De même, l’Association lui a permis d’obtenir en prêt de son propre dépôt de moyens auxiliaires un fauteuil releveur à réglage gradué de la position d’assise : « Ce fauteuil facilite énormément ma vie. Il est bon de pouvoir compter sur des personnes qui sont là pour moi », conclut Nicolas Gloor sur un ton enthousiaste.

Expérience positive Outre les moyens auxiliaires, l’Association SLA Suisse propose également des rencontres pour les personnes atteintes de SLA et leurs proches qui peuvent ainsi se mettre en réseau et communiquer entre eux. Au début, il n’avait pas le besoin de faire la connaissance d’autres personnes vivant avec la même maladie, raconte Nicolas Gloor. Ce sentiment est partagé par d’autres ; les personnes atteintes de SLA expliquent en effet souvent qu’elles préfèrent renoncer à rencontrer d’autres personnes logées à la même enseigne pour ne pas devoir entendre ce qui les attend. Lorsque Nicolas Gloor se décide finalement à participer à une telle rencontre, il a pourtant été surpris en bien : « Les participants n’étaient pas aussi pessimistes que je ne le craignais ». Échanger avec eux sur sa situation personnelle lui a fait du bien, se remémore-t-il.

Un désir particulier Au moment de recevoir le diagnostic, Nicolas Gloor est avec ses 26 ans nettement plus jeune que la grande majorité des autres personnes touchées par la SLA. La maladie survient généralement dans le midi de la vie ; souvent, les personnes ont dans la cinquantaine au moment du diagnostic, dans des cas isolés, les personnes diagnostiquées de la SLA sont encore, comme lui, à l’âge de jeune adulte ou au contraire à un âge déjà avancé. C’est ainsi que Nicolas Gloor s’est adressé à l’Association SLA Suisse en espérant faire la connaissance d’une autre jeune personne de son âge vivant avec cette maladie. Mettant en réseau les personnes touchées, leurs proches et les professionnel·le·s dans toute la Suisse, l’Association a pu l’aider à entrer en contact avec une personne au profil d’âge similaire. Savoir qu’il y a des personnes qui sont là pour lui et auxquelles il peut adresser un tel désir est magnifique, constate Nicolas Gloor pour conclure.

La maladie des 1’000 adieux La sclérose latérale amyotrophique, abrégée SLA, est une maladie incurable du système nerveux dont l’issue est mortelle. Elle détruit la transmission des signaux des motoneurones, responsables des mouvements musculaires volontaires, entraînant des paralysies. Celles-ci épargnent les muscles cardiaque et oculaire de même que les organes sensoriels.

> Offre de moyens auxiliaires de l’Association SLA Suisse

Légende : Nicolas Gloor avec le lac Léman en arrière-plan, huit mois après le diagnostic de la SLA, mai 2023

Lorsque le mari parle à travers une voix numérisée

Au début, entendre la voix numérisée de son mari lui paraissait un peu étrange, se rappelle Edith Dudler: « Ce n’est pas la voix telle qu’elle était avant, mais je m’y suis habituée », dit-elle.

Au tout dernier moment
En août 2022, cet ancien mécanicien-électricien a été diagnostiqué de la grave maladie neuromusculaire qu’est la SLA qui entraîne chez plus de quatre-vingts pour cent des personnes touchées des troubles du langage. Dans le cas de Willi Dudler, ces difficultés vocales se manifestent déjà un an avant le diagnostic. À la demande pressante de sa femme, il finit par faire numériser sa voix – au tout dernier moment. Dans l’intervalle, sa voix originale est devenue méconnaissable, ajoute Edith Dudler. Après avoir fait numériser sa voix, Willi Dudler appelle sa femme en se servant de sa nouvelle voix. « Cela m’a beaucoup touchée », souligne-t-elle. Sa voix numérisée se rapproche à environ septante-cinq pour cent de sa voix naturelle, précise Edith Dudler. Ce qui est dommage, c’est qu’il n’est plus en mesure de parler son dialecte mais plus qu’en bon allemand. La numérisation d’un dialecte n’est malheureusement pas encore possible pour des raisons techniques. L’Association SLA Suisse suit de près l’évolution des technologies dans ce domaine et ne manquera pas de saisir la chance dès qu’elle se présentera pour élargir l’offre en proposant également la version en suisse allemand.

Elle va certainement conserver sa voix après sa mort, poursuit Edith Dudler.

Une belle vie
La SLA raccourcit généralement l’espérance de vie des personnes qui en sont atteintes à trois à cinq ans au maximum dès l’apparition des premiers symptômes. Après le diagnostic, Edith et Willi Dudler ne savaient donc pas s’ils pourraient encore une fois fêter Noël ensemble. Pourtant, ils ne se sont jamais demandé pourquoi la SLA a justement frappé eux et pourquoi justement cette maladie plutôt qu’une autre. « C’est comme ça », conclut-elle. Telle est sa manière de voir les choses et ils ont eu les deux une belle vie.


Accès gratuit En coopération avec Acapela Group, l’Association SLA Suisse permet à ses membres d’accéder gratuitement à l’offre Voice Banking. Grâce à cette prestation consistant à enregistrer leur voix originale sur un support numérique, les personnes touchées par la SLA peuvent franchir un pas décisif pour garder un peu de normalité dans leur vie.

Intérêt croissant Depuis son lancement en mars 2023, l’offre de l’Association SLA Suisse en matière de numérisation de la voix en faveur des personnes atteintes de la SLA suscite un intérêt croissant. Dans l’intervalle, la demande de cette prestation a augmenté comme suit : 31 consultations (+ 29 %) | 21 demandes approuvées (+ 31 %) | 16 numérisations vocales effectuées (+ 78 %)

Formes possibles de la SLA Spinale (60 à 70 pour cent des cas, affectant les bras et les jambes), bulbaire (20 à 30 pour cent des cas, portant atteinte aux muscles de la parole, aux muscles masticateurs et à ceux de la déglutition), respiratoire (quelque 5 pour cent des cas, touchant donc les muscles ventilatoires) et la forme dite du syndrome « Flail arm » (diplégie amyotrophique brachiale, environ 3 pour cent des cas, avec un effet préjudiciable sur la musculature de l’épaule et de la partie supérieure du bras).

Perte de la voix La voix est un élément essentiel de l’identité personnelle. La perdre peut engendrer la dépression, un sentiment de colère et de honte, voire mener à l’isolement.

> Voice Banking

Au dernier moment

Willi Dudler se décide à numériser sa voix au moyen de Voice Banking. Âgé de 74 ans et atteint de SLA, il souffre de troubles de la parole comme 80 % des autres personnes touchées. Willi Dudler est l’un des premiers à bénéficier de la nouvelle prestation Voice Banking, lancée par l’Association SLA Suisse en mars 2023.

Groupe d’envergure mondiale Voice Banking permet à celles et à ceux qui finiront par perdre leur voix de générer une voix synthétique ressemblant à leur voix originale. En Europe, cette technologie est proposée par Acapela Group sous l’appellation my-own-voice. Cette entreprise dispose de plus de vingt ans d’expérience dans ce domaine et fait partie depuis 2022 de Tobii Dynavox, un groupe mondial spécialisé dans les aides techniques à la communication, connues également sous la désignation de technologies d’assistance.

Ne pas tarder La SLA peut revêtir différentes formes – Willi Dudler est atteint de la forme bulbaire qui affecte les muscles de la parole, les muscles masticateurs et ceux de la déglutition et qui se manifeste typiquement par des troubles du langage. Il ne faudrait donc en aucun cas tarder à numériser sa voix, explique Willi Dudler. Il se souvient que ces problèmes ont apparu environ une année avant d’être diagnostiqué de la SLA, en août 2022, lorsqu’il a commencé à avaler de travers en mangeant et à balbutier. « Comme si j’étais ivre », précise-t-il. Dans les semaines qui ont suivi, les gens qui le côtoient se sont mis à parler à haute voix et lentement avec lui, « pensant qu’il n’arrivait plus à les suivre », ajoute Willi Dudler.

Un chemin difficile C’est finalement sa femme qui l’a motivé et convaincu à numériser sa voix. Mais le chemin à parcourir s’est révélé difficile et plein d’obstacles. L’enregistrement des phrases nécessaires à la création de la voix synthétique par exemple s’est avéré astreignant pour lui. Et pour installer la voix synthétique, il a dû faire appel à un spécialiste. « Arrivé à un certain point, j’ai failli tout laisser tomber », raconte Willi Dudler.

À deux doigts de rater le coche Même si elle ne permet plus à Willi Dudler de parler comme avant ou de participer à une conversation normale avec plusieurs personnes, la copie synthétique de sa voix suscite des réactions positives dans son entourage. Une fois, il a commandé quelque chose dans une pharmacie en utilisant sa nouvelle voix et cela a très bien fonctionné. Une autre fois, une connaissance n’a pas saisi ce qu’il lui disait au téléphone avec sa propre voix. Pour se faire comprendre, il a alors enregistré quelque chose avec sa voix synthétique qu’il lui a ensuite fait écouter. Elle a été absolument heureuse de pouvoir capter le contenu de son message en s’exclamant : « Mais c’est toi ça ! » Il était à deux doigts de rater le coche pour numériser sa voix et ne peut que recommander de s’y prendre aussi tôt que possible. Surtout lorsqu’on souffre comme lui d’une SLA de type bulbaire. Dans le deuxième volet de l’histoire de Willi Dudler, vous apprendrez ce que sa femme pense de la nouvelle voix de son mari.


Accès gratuit En coopération avec Acapela Group, l’Association SLA Suisse propose à ses membres d’accéder gratuitement à la prestation Voice Banking qui leur permet d’enregistrer leur voix originale sur un support numérique. Un pas décisif pour les personnes atteintes de SLA afin de garder un peu de normalité dans leur vie. Depuis le lancement de cette offre, 16 personnes ont déjà numérisé leur voix.

Formes possibles de la SLA Spinale (60 à 70 pour cent des cas, affectant les bras et les jambes), bulbaire (20 à 30 pour cent des cas, portant atteinte aux muscles de la parole, aux muscles masticateurs et à ceux de la déglutition), respiratoire (quelque 5 pour cent des cas, touchant donc les muscles ventilatoires) et la forme dite du syndrome « Flail arm » (diplégie amyotrophique brachiale, environ 3 pour cent des cas, avec un effet préjudiciable sur la musculature de l’épaule et de la partie supérieure du bras).

> Voice Banking