Visages d’une maladie

LE BONHEUR D’AVOIR DES AMIS FIDÈLES

Nicolas Gloor #6 : À l’âge de 26 ans, Nicolas Gloor se voit diagnostiquer une maladie neurodégénérative incurable connue en Suisse sous l’acronyme SLA. Durant les deux ans qui suivent le diagnostic, il continue à vivre dans son appartement, avant de déménager dans un établissement médico-social. Un an après son entrée en EMS, SLA Suisse est allé le trouver dans son nouvel environnement quotidien pour prendre de ses nouvelles. Dans ses paroles, il y a de la gratitude pour ses amis et sa famille mais il exprime également d’autres ressentis.

Lorsque nous vous avons rendu visite en décembre 2023, vous nous disiez que vous ne vouliez pas attendre le dernier moment pour déménager dans un home médicalisé. Avez-vous choisi le « bon moment » ? Je pense que oui. La vie à la maison devenait de plus en plus compliquée et j’étais mentalement prêt à faire ce pas. En outre, mes proches s’étaient fait beaucoup de soucis pour moi parce que je vivais seul.

Vous vous inquiétiez alors d’être entouré de personnes âgées et malades dans un EMS. Comment voyez-vous cela aujourd’hui ? J’entretiens des relations cordiales avec les autres résidents sans toutefois participer grandement à la vie communautaire. Ce qui est positif, c’est que je m’entends bien avec le personnel soignant, qui fait partie de ma génération et dont la profession est similaire à celle que j’exerçais avant.

Les premiers effets handicapants de votre maladie se sont manifestés le jour où vous ne pouviez plus retirer la poêle de la cuisinière. Comment la maladie évolue-t-elle, à quoi avez-vous dû vous adapter dans l’intervalle ? J’ai entre-temps perdu ma mobilité et mon autonomie. De plus, je ne peux plus marcher, suis presque totalement paralysé des membres supérieurs, m’alimente par sonde gastrique et j’ai beaucoup de mal à parler. On peut vraiment dire que c’est un coup dur à encaisser. Grâce à mon ordinateur avec commande oculaire, je peux heureusement encore accéder aux réseaux sociaux, à ma boîte de messagerie et aux plateformes de streaming.

Avez-vous encore beaucoup de contacts personnels avec vos amis et votre famille ? Oui, j’ai la chance d’être très bien soutenu et de recevoir des visites tous les jours. J’ai des amis très fidèles et une famille extraordinaire qui fait tout pour mon bien-être. Je suis également plus libre qu’avant, lorsque l’horaire des soins journaliers était fixe et qu’ils se terminaient toujours avant 21 heures. Aujourd’hui, je peux sortir et rentrer à ma guise.


Institution Lavigny Le pasteur vaudois Charles Subilia a fondé en 1906 une institution pour recueillir des personnes qui n’étaient pas admises auprès des institutions de bienfaisance. Aujourd’hui, l’institution comprend une école, des ateliers protégés ainsi qu’un hôpital et des logements pour les personnes en situation de handicap. Par exemple le Plein Soleil à Lausanne, l’une des rares institutions du canton de Vaud à accueillir des personnes atteintes de SLA ilavigny.ch


À propos de Nicolas Gloor est éducateur social et a 26 ans lorsqu’on lui diagnostique une sclérose latérale amyotrophique (SLA). Cette maladie neurodégénérative est incurable et réduit drastiquement son espérance de vie. Alors qu’il vit au début dans son propre appartement, Nicolas Gloor déménage deux ans après le diagnostic dans un établissement médico-social. Aujourd’hui, la partie supérieure de son corps est presque entièrement paralysée ; de plus, il ne peut plus marcher et s’alimenter qu’avec une sonde gastrique (PEG). Il bénéficie aussi de l’aide de SLA Suisse qui apporte depuis 17 ans son soutien aux personnes directement touchées par la maladie et à leurs proches en mettant à leur disposition une multitude d’offres, comme la remise en prêt de moyens auxiliaires, le Voice Banking, etc.

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Être là l’un pour l’autre et partager

Nicolas Gloor #5 : Le jeune homme de Renens (VD) est au seuil de sa carrière professionnelle d’éducateur social et effectue un séjour d’études de six mois au Sénégal. De retour en Suisse, il nourrit et développe la vision d’offrir une perspective aux enfants de la rue de ce pays d’Afrique occidentale, ayant été témoin d’enfants victimes de traite des mineurs enlevés à leurs familles, dépossédés de leurs droits et opprimés.

Nicolas Gloor veut jeter un pont avec la Suisse et nous faire comprendre que notre bonheur ne va pas de soi : « Je ne pouvais simplement pas continuer mon traintrain quotidien après avoir vécu une telle expérience », se rappelle-t-il. Mais les choses ne devaient alors pas se passer comme il l’avait imaginé. Après avoir créé une fondation pour son projet, il est diagnostiqué de la maladie incurable qu’est la SLA. Très vite, il est contraint de mettre de côté ses plans visant à s’engager en faveur des enfants de la rue, devant au lieu de cela organiser son propre avenir.

Mais le message dont il s’est inspiré au Sénégal continue de le guider en Suisse : « Il ne sert à rien de vivre sa vie si tu ne partages pas. » Car le souci du partage est omniprésent au Sénégal et on y partage même le peu qu’on a. « Yakaar » – tel est le nom de sa Fondation – signifie lueur d’espoir et cette organisation était prévue pour ramener les enfants des rues sénégalais à leurs familles, où l’on partage mutuellement, est là l’un pour l’autre et passe du temps ensemble. Aujourd’hui, Nicolas Gloor met en pratique ce message dans sa propre vie en passant le plus de temps possible avec ses proches et ses amis. En partageant sa vie avec eux. C’est ainsi qu’il incarne lui-même cette lueur d’espoir.

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#4 Nicolas Gloor: AU-DELÀ DE son propre destin

Trois ans avant d’être diagnostiqué de la SLA, âgé alors de 26 ans, Nicolas Gloor s’envole pour le Sénégal pour y passer un séjour d’études de six mois. Dans l’avion qui doit l’amener dans ce pays africain, il se demande pourquoi justement cette destination. Se rappelant ce moment, il dit qu’il l’a choisie par pur hasard. Plus tard, il décrira cette période comme l’une des meilleures de sa vie.

Arrivé à Dakar, Nicolas Gloor travaille au sein d’un centre d’accueil et d’hébergement d’urgence où il rencontre des enfants et des jeunes vivant dans la rue depuis de nombreuses années, séparés de leurs familles, battus et enchaînés. « Leur sort m’a profondément touché et je ne voulais pas retourner en Suisse sans entreprendre quelque chose », raconte-t-il. Le futur éducateur social crée une fondation dont le but est de sensibiliser les pays européens à la situation des enfants de rue en Afrique. C’était il y a six ans. Encore aujourd’hui, il entretient des contacts occasionnels avec des jeunes qu’il a accompagnés à l’époque. « J’aimerais bien me rendre à nouveau au Sénégal mais étant en fauteuil roulant, je ne peux pas l’envisager », regrette-t-il.

« Nicolas a toujours eu les deux pieds sur terre » Elisa Kila, meilleure amie

Le séjour au Sénégal et les impressions indélébiles qu’il en a retirées devaient fortement marquer le jeune homme. Le sort des enfants de la rue et la dureté de leur quotidien l’ont marqué à jamais. Elisa, sa meilleure amie, le caractérise ainsi : « Nicolas a toujours été interpellé par l’injustice. Il l’a vue de ses propres yeux lorsqu’il séjournait au Sénégal. Mais depuis que je le connais et jusqu’à aujourd’hui, il a toujours gardé les deux pieds sur terre. » Il n’a jamais cessé de puiser sa force de vivre avec cette grave maladie qu’est la SLA en s’inspirant de son vécu au Sénégal. Cette expérience de vie lui a enseigné qu’il existait quelque chose qui dépasse son propre destin.

Une lueur d’espoir Durant son séjour de formation pratique dans une structure d’hébergement d’urgence à Dakar, Nicolas Gloor est confronté à la situation d’enfants et de jeunes vivant dans la rue, séparés de leurs familles, battus et enchaînés. Cette expérience l’incite à créer une association dans le but de mettre en place un centre d’accueil pour ces mineurs défavorisés Accueil | Yakaar : une lueur d’espoir

À propos de : Nicolas Gloor (28) est éducateur diplômé et a œuvré auprès d’un centre d’accueil pour enfants des rues dans la République du Sénégal. De retour en Suisse, il fonde une association en 2020 dont le but est de soutenir des organisations locales. Même s’il avoue s’être rendu au Sénégal par pur hasard, il y a vécu l’une des meilleures périodes de sa vie.

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#3 Nicolas Gloor: Pas des pessimistes

Nicolas Gloor a 26 ans lorsqu’il apprend qu’il est atteint de la SLA, cette maladie neuromusculaire incurable qui touche au moins 600 personnes en Suisse. C’est à toutes ces personnes et à leurs proches que l’Association SLA Suisse apporte son soutien depuis 17 ans, que ce soit par la mise en relation avec des professionnels ou la remise en prêt de moyens auxiliaires. C’est par ce canal que Nicolas Gloor a pu entrer en contact avec un thérapeute qui l’a informé de l’existence du dépôt de moyens auxiliaires au sein de l’Association. Cette offre a déjà souvent rendu de précieux services aux personnes atteintes de la SLA. Sans de tels moyens, le quotidien avec la SLA ne serait guère imaginable, la maladie limitant à de nombreux égards les possibilités des personnes directement touchées et de leurs proches. Il s’agit d’une maladie progressive dans la mesure où l’état de santé de la personne qui en est atteinte se détériore à vue d’œil et cela de manière irréversible. En outre, sa progression est généralement très rapide, si bien qu’il est essentiel d’obtenir à chaque fois dans les plus brefs délais le moyen auxiliaire correspondant au mieux au stade de la maladie. C’est à la lumière de cette nécessité qu’après sa fondation, l’Association SLA Suisse a créé le dépôt de moyens auxiliaires à la disposition des membres souhaitant disposer immédiatement du matériel technique dont ils ont besoin. On peut y obtenir par exemple des lits de soins, des matelas à pression alternée prévenant les escarres et divers fauteuils roulants.

Fauteuil roulant livré dans un délai d’une semaine Avec la SLA, même des gestes du quotidien peuvent devenir irréalisables : aller chercher un verre d’eau – impossible sans l’aide d’autrui. Les moyens techniques permettent de maintenir plus longtemps   l’autonomie ou du moins de l’améliorer dans certains domaines de la vie. Il en est ainsi en matière de mobilité, de respiration et de communication. Toutefois, l’autorisation, l’acquisition et l’adaptation individuelle de ce matériel prennent du temps et exigent des moyens financiers et bien souvent le savoir-faire de spécialistes. Étant touché en tant que personne bénéficiant de l’AI, Nicolas Gloor a droit à une prise en charge des moyens auxiliaires par l’AI. Cependant : « Avec l’AI, j’aurais attendu six mois pour disposer de mon fauteuil roulant », se souvient Nicolas Gloor. Grâce à l’Association SLA Suisse, il l’a reçu au bout d’une semaine. De même, l’Association lui a permis d’obtenir en prêt de son propre dépôt de moyens auxiliaires un fauteuil releveur à réglage gradué de la position d’assise : « Ce fauteuil facilite énormément ma vie. Il est bon de pouvoir compter sur des personnes qui sont là pour moi », conclut Nicolas Gloor sur un ton enthousiaste.

Expérience positive Outre les moyens auxiliaires, l’Association SLA Suisse propose également des rencontres pour les personnes atteintes de SLA et leurs proches qui peuvent ainsi se mettre en réseau et communiquer entre eux. Au début, il n’avait pas le besoin de faire la connaissance d’autres personnes vivant avec la même maladie, raconte Nicolas Gloor. Ce sentiment est partagé par d’autres ; les personnes atteintes de SLA expliquent en effet souvent qu’elles préfèrent renoncer à rencontrer d’autres personnes logées à la même enseigne pour ne pas devoir entendre ce qui les attend. Lorsque Nicolas Gloor se décide finalement à participer à une telle rencontre, il a pourtant été surpris en bien : « Les participants n’étaient pas aussi pessimistes que je ne le craignais ». Échanger avec eux sur sa situation personnelle lui a fait du bien, se remémore-t-il.

Un désir particulier Au moment de recevoir le diagnostic, Nicolas Gloor est avec ses 26 ans nettement plus jeune que la grande majorité des autres personnes touchées par la SLA. La maladie survient généralement dans le midi de la vie ; souvent, les personnes ont dans la cinquantaine au moment du diagnostic, dans des cas isolés, les personnes diagnostiquées de la SLA sont encore, comme lui, à l’âge de jeune adulte ou au contraire à un âge déjà avancé. C’est ainsi que Nicolas Gloor s’est adressé à l’Association SLA Suisse en espérant faire la connaissance d’une autre jeune personne de son âge vivant avec cette maladie. Mettant en réseau les personnes touchées, leurs proches et les professionnel·le·s dans toute la Suisse, l’Association a pu l’aider à entrer en contact avec une personne au profil d’âge similaire. Savoir qu’il y a des personnes qui sont là pour lui et auxquelles il peut adresser un tel désir est magnifique, constate Nicolas Gloor pour conclure.

La maladie des 1’000 adieux La sclérose latérale amyotrophique, abrégée SLA, est une maladie incurable du système nerveux dont l’issue est mortelle. Elle détruit la transmission des signaux des motoneurones, responsables des mouvements musculaires volontaires, entraînant des paralysies. Celles-ci épargnent les muscles cardiaque et oculaire de même que les organes sensoriels.

> Offre de moyens auxiliaires de l’Association SLA Suisse

Légende : Nicolas Gloor avec le lac Léman en arrière-plan, huit mois après le diagnostic de la SLA, mai 2023

Lorsque le mari parle à travers une voix numérisée

Au début, entendre la voix numérisée de son mari lui paraissait un peu étrange, se rappelle Edith Dudler: « Ce n’est pas la voix telle qu’elle était avant, mais je m’y suis habituée », dit-elle.

Au tout dernier moment
En août 2022, cet ancien mécanicien-électricien a été diagnostiqué de la grave maladie neuromusculaire qu’est la SLA qui entraîne chez plus de quatre-vingts pour cent des personnes touchées des troubles du langage. Dans le cas de Willi Dudler, ces difficultés vocales se manifestent déjà un an avant le diagnostic. À la demande pressante de sa femme, il finit par faire numériser sa voix – au tout dernier moment. Dans l’intervalle, sa voix originale est devenue méconnaissable, ajoute Edith Dudler. Après avoir fait numériser sa voix, Willi Dudler appelle sa femme en se servant de sa nouvelle voix. « Cela m’a beaucoup touchée », souligne-t-elle. Sa voix numérisée se rapproche à environ septante-cinq pour cent de sa voix naturelle, précise Edith Dudler. Ce qui est dommage, c’est qu’il n’est plus en mesure de parler son dialecte mais plus qu’en bon allemand. La numérisation d’un dialecte n’est malheureusement pas encore possible pour des raisons techniques. L’Association SLA Suisse suit de près l’évolution des technologies dans ce domaine et ne manquera pas de saisir la chance dès qu’elle se présentera pour élargir l’offre en proposant également la version en suisse allemand.

Elle va certainement conserver sa voix après sa mort, poursuit Edith Dudler.

Une belle vie
La SLA raccourcit généralement l’espérance de vie des personnes qui en sont atteintes à trois à cinq ans au maximum dès l’apparition des premiers symptômes. Après le diagnostic, Edith et Willi Dudler ne savaient donc pas s’ils pourraient encore une fois fêter Noël ensemble. Pourtant, ils ne se sont jamais demandé pourquoi la SLA a justement frappé eux et pourquoi justement cette maladie plutôt qu’une autre. « C’est comme ça », conclut-elle. Telle est sa manière de voir les choses et ils ont eu les deux une belle vie.


Accès gratuit En coopération avec Acapela Group, l’Association SLA Suisse permet à ses membres d’accéder gratuitement à l’offre Voice Banking. Grâce à cette prestation consistant à enregistrer leur voix originale sur un support numérique, les personnes touchées par la SLA peuvent franchir un pas décisif pour garder un peu de normalité dans leur vie.

Intérêt croissant Depuis son lancement en mars 2023, l’offre de l’Association SLA Suisse en matière de numérisation de la voix en faveur des personnes atteintes de la SLA suscite un intérêt croissant. Dans l’intervalle, la demande de cette prestation a augmenté comme suit : 31 consultations (+ 29 %) | 21 demandes approuvées (+ 31 %) | 16 numérisations vocales effectuées (+ 78 %)

Formes possibles de la SLA Spinale (60 à 70 pour cent des cas, affectant les bras et les jambes), bulbaire (20 à 30 pour cent des cas, portant atteinte aux muscles de la parole, aux muscles masticateurs et à ceux de la déglutition), respiratoire (quelque 5 pour cent des cas, touchant donc les muscles ventilatoires) et la forme dite du syndrome « Flail arm » (diplégie amyotrophique brachiale, environ 3 pour cent des cas, avec un effet préjudiciable sur la musculature de l’épaule et de la partie supérieure du bras).

Perte de la voix La voix est un élément essentiel de l’identité personnelle. La perdre peut engendrer la dépression, un sentiment de colère et de honte, voire mener à l’isolement.

> Voice Banking

Au dernier moment

Willi Dudler se décide à numériser sa voix au moyen de Voice Banking. Âgé de 74 ans et atteint de SLA, il souffre de troubles de la parole comme 80 % des autres personnes touchées. Willi Dudler est l’un des premiers à bénéficier de la nouvelle prestation Voice Banking, lancée par l’Association SLA Suisse en mars 2023.

Groupe d’envergure mondiale Voice Banking permet à celles et à ceux qui finiront par perdre leur voix de générer une voix synthétique ressemblant à leur voix originale. En Europe, cette technologie est proposée par Acapela Group sous l’appellation my-own-voice. Cette entreprise dispose de plus de vingt ans d’expérience dans ce domaine et fait partie depuis 2022 de Tobii Dynavox, un groupe mondial spécialisé dans les aides techniques à la communication, connues également sous la désignation de technologies d’assistance.

Ne pas tarder La SLA peut revêtir différentes formes – Willi Dudler est atteint de la forme bulbaire qui affecte les muscles de la parole, les muscles masticateurs et ceux de la déglutition et qui se manifeste typiquement par des troubles du langage. Il ne faudrait donc en aucun cas tarder à numériser sa voix, explique Willi Dudler. Il se souvient que ces problèmes ont apparu environ une année avant d’être diagnostiqué de la SLA, en août 2022, lorsqu’il a commencé à avaler de travers en mangeant et à balbutier. « Comme si j’étais ivre », précise-t-il. Dans les semaines qui ont suivi, les gens qui le côtoient se sont mis à parler à haute voix et lentement avec lui, « pensant qu’il n’arrivait plus à les suivre », ajoute Willi Dudler.

Un chemin difficile C’est finalement sa femme qui l’a motivé et convaincu à numériser sa voix. Mais le chemin à parcourir s’est révélé difficile et plein d’obstacles. L’enregistrement des phrases nécessaires à la création de la voix synthétique par exemple s’est avéré astreignant pour lui. Et pour installer la voix synthétique, il a dû faire appel à un spécialiste. « Arrivé à un certain point, j’ai failli tout laisser tomber », raconte Willi Dudler.

À deux doigts de rater le coche Même si elle ne permet plus à Willi Dudler de parler comme avant ou de participer à une conversation normale avec plusieurs personnes, la copie synthétique de sa voix suscite des réactions positives dans son entourage. Une fois, il a commandé quelque chose dans une pharmacie en utilisant sa nouvelle voix et cela a très bien fonctionné. Une autre fois, une connaissance n’a pas saisi ce qu’il lui disait au téléphone avec sa propre voix. Pour se faire comprendre, il a alors enregistré quelque chose avec sa voix synthétique qu’il lui a ensuite fait écouter. Elle a été absolument heureuse de pouvoir capter le contenu de son message en s’exclamant : « Mais c’est toi ça ! » Il était à deux doigts de rater le coche pour numériser sa voix et ne peut que recommander de s’y prendre aussi tôt que possible. Surtout lorsqu’on souffre comme lui d’une SLA de type bulbaire. Dans le deuxième volet de l’histoire de Willi Dudler, vous apprendrez ce que sa femme pense de la nouvelle voix de son mari.


Accès gratuit En coopération avec Acapela Group, l’Association SLA Suisse propose à ses membres d’accéder gratuitement à la prestation Voice Banking qui leur permet d’enregistrer leur voix originale sur un support numérique. Un pas décisif pour les personnes atteintes de SLA afin de garder un peu de normalité dans leur vie. Depuis le lancement de cette offre, 16 personnes ont déjà numérisé leur voix.

Formes possibles de la SLA Spinale (60 à 70 pour cent des cas, affectant les bras et les jambes), bulbaire (20 à 30 pour cent des cas, portant atteinte aux muscles de la parole, aux muscles masticateurs et à ceux de la déglutition), respiratoire (quelque 5 pour cent des cas, touchant donc les muscles ventilatoires) et la forme dite du syndrome « Flail arm » (diplégie amyotrophique brachiale, environ 3 pour cent des cas, avec un effet préjudiciable sur la musculature de l’épaule et de la partie supérieure du bras).

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#2 Nicolas Gloor : préparé à la fin de vie

L’attitude positive de Nicolas Gloor est étonnante. À 26 ans, il est diagnostiqué de la SLA, une maladie incurable du système nerveux central et périphérique qui a entraîné une diminution de son espérance de vie à quelques années. Il explique qu’il n’est évidemment pas simple d’accepter que ses jours soient d’ores et déjà comptés. Mais cela est le cas pour nous tous : « Chacun peut mourir demain », fait remarquer Nicolas Gloor. Mais pour lui, c’est une chance de savoir que sa fin approche. En effet, si quelqu’un meurt inopinément, sa fin de vie aura aussi été proche, à la différence près que cette personne, contrairement à lui-même, n’y était pas préparée.

Force mentale Il a toujours été quelqu’un qui recherche le positif, même si les choses ont parfois pris une mauvaise tournure. Pourtant, l’attitude positive de Nicolas Gloor ne s’assimile aucunement à une pensée toxique selon laquelle il suffit de voir l’aspect positif des choses pour être du bon côté de la vie. Une telle manière de penser semble cynique au vu d’un diagnostic de SLA. Non, il ne s’agit pas de cela pour Nicolas Gloor.  Il trouve naturellement terrible ce qui lui arrive, la SLA étant probablement l’une des pires maladies qui existent. Il est possible qu’il ait cette maladie justement parce qu’il a la force en lui pour y faire face. « Ce pouvoir l’habitait déjà avant de contracter la maladie », conclut-il sur un ton méditatif.

Nous devons tous mourir Il entend souvent d’autres gens dire que sa manière positive de faire face à son sort les étonne. Et ils lui disent également qu’ils ne seraient eux-mêmes pas capables d’adopter une telle attitude, raconte Nicolas Gloor. Lui-même en revanche n’y voit rien d’exceptionnel : « D’autres auraient certainement une réaction similaire », pense-t-il. Il profite du temps qui lui reste encore, sachant qu’il arrivera bientôt au bout de sa vie. « Quand, je ne le sais pas avec précision après tout », explique-t-il, « cela peut être dans cinq ans, peut-être dans six mois ». Nous tous sommes appelés à disparaître un jour et il y est simplement préparé. Il ne doit plus se poser de questions ; s’il veut par exemple partir en voyage pour la Norvège, il y va et s’il a envie de rencontrer ses amis, il le fait, un point c’est tout.

Vivre dans le présent Interrogé sur les avantages éventuels d’être atteint d’une grave maladie, Nicolas Gloor répond qu’il en voit effectivement : « Je ne dois pas penser au lendemain ». Bien entendu, il ne peut pas tout à fait vivre sans réfléchir, ajoute-t-il immédiatement. Ainsi, il doit aujourd’hui penser à tout avant de partir en voyage : « Il me faut beaucoup plus planifier qu’autrefois, par exemple mes thérapies, l’hébergement, les repas ». Par contre, il n’est plus obligé d’établir un budget pour un voyage car il n’aura plus besoin d’argent quand il sera mort : « Je dois vivre dans le présent ».

À propos de : Nicolas Gloor (27) est éducateur diplômé et reçoit le diagnostic de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), cette maladie neuromusculaire incurable, à l’âge de seulement 26 ans.

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#1 NICOLAS GLOOR: VIVRE VÉRITABLEMENT 

Nicolas Gloor a 26 ans lorsqu’on lui diagnostique une sclérose latérale amyotrophique dont l’abréviation tient en trois lettres : SLA. Du jour au lendemain, l’espérance de vie de ce jeune homme se réduit à quelques années. Mais ce coup du sort ne brise aucunement son envie de vivre. L’Association SLA Suisse en a fait la couverture de son rapport annuel 2023 et retrace son histoire en six brefs volets en ligne. 

Comment le diagnostic de la SLA a-t-il changé votre vie ? Ma raison de vivre, c’était d’avoir des enfants. J’ai dû en faire le deuil. Ce qui m’est resté comme but dans ma vie, c’est de passer du temps avec des personnes que j’aime et avec lesquelles je partage beaucoup. Et cela m’est toujours possible. Le plus dur à supporter, c’est la perte progressive de mon autonomie. Au début, je n’en étais pas conscient car j’ai simplement continué à vivre comme avant. Après six mois, je devais renoncer à certaines choses.   

Par exemple ? Une fois, je n’arrivais plus à soulever la casserole de la plaque de cuisson. Cela m’a tellement énervé et en même temps attristé. Je n’avais plus envie de cuisiner. Pendant quelque temps, je chauffais au four des plats préparés puis me suis rabattu sur la commande de repas livrés à domicile. Ou pour me brosser les dents avec la brosse électrique : suis-je en mesure de la mettre en marche moi-même ou quelqu’un doit-il le faire à ma place ? De telles questions, je me les pose chaque jour. Parfois, je suis content de l’aide d’autrui mais en même temps, je veux garder un maximum d’autonomie. À moi de trouver un juste milieu et de doser mes efforts. 

Malgré votre sort, vous dégagez une attitude positive – comment y parvenez-vous ? Naturellement, je trouve terrible ce qui m’arrive. La SLA est probablement l’une des pires maladies qui existent. J’ai la chance d’être entouré de ma famille et de mes amis. Cela m’aide énormément. De même, les compétences acquises durant mes études constituent une ressource. J’ai appris à analyser mes possibilités et limites. Dans mon métier, j’ai rencontré des personnes qui n’ont pas désespéré malgré des événements de la vie très cruels. Cela me permet de prendre un certain recul par rapport à ma propre situation. Sans compter que j’ai ma foi, quelque chose de tout à fait personnel qui me sert également dans mon quotidien. Savoir que mes jours sont d’ores et déjà comptés n’est pas facile à accepter. En même temps, je me dis que soit je déprime, suis triste et en colère, soit au contraire, je suis content et profite de ce que je peux encore faire. Donc plutôt que d’être simplement présent, vivre une vraie vie jusqu’à la fin. Bien sûr, il y a régulièrement des jours plus compliqués. Mais je me dis depuis le diagnostic qu’il s’agit à présent d’en tirer le meilleur parti. Aujourd’hui, je parviens à m’autoriser à passer un moment de tristesse, comme le soir quand je suis seul. Mais lorsque je suis en compagnie, j’aimerais en profiter au max. La maladie est bien présente sans pourtant avoir pleine emprise sur ma vie. Bien sûr, 27 ans, c’est un peu jeune mais c’est comme ça. J’ai pleinement vécu ma vie. Dans le prochain volet, Nicolas Gloor nous racontera comment il réussit à voir aussi les bons côtés de ce qu’il vit. 

À propos de : Nicolas Gloor (27) est éducateur diplômé et reçoit le diagnostic de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), cette maladie neuromusculaire incurable, à l’âge de seulement 26 ans.

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Voice Banking: « Mais c’est toi ça ! »

Plus de 80 pour cent des personnes atteintes de SLA doivent faire face à des difficultés vocales pouvant aller jusqu’à la perte totale de la parole (aphasie). Il convient donc de ne pas tarder à numériser sa voix, conseille Willi Dudler, qui a lui-même failli rater le coche.

« Aujourd’hui, même ma femme ne me comprend pas toujours », explique Willi Dudler. Il a été diagnostiqué SLA bulbaire, caractérisée par des troubles du langage. Lorsque Willi Dudler se décide finalement à recourir à Voice Banking pour stocker sa voix sur un support numérique, il est déjà presque trop tard. À présent, il regrette de ne pas s’y être pris plus tôt, dit cet homme de 74 ans.

Comme s’il était ivre
« Ma vie s’est déroulée sans problème. Jusqu’au jour où cette maladie a surgi », se rappelle-t-il. Willi Dudler grandit dans une famille nombreuse. Père de deux enfants, il a également trois petits-enfants et s’épanouit le plus au sein de sa famille et parmi ses amis. Dans la profession également, tout baigne. Mécanicien-électricien diplômé, il travaille pendant 36 ans chez Hewlett Packard où il occupe un poste d’assistant technique pour appareils d’analyse chimique jusqu’au jour où il décide de prendre une retraite anticipée. Ensuite, il y a deux ans et demi, il commence à balbutier comme s’il était ivre et à avaler de travers en mangeant. Peu de temps après, il quitte ses fonctions au sein du conseil bourgeoisial, de la société catholique des hommes locale et de la section masculine de gymnastes, lui qui mettait tout son coeur à l’ouvrage à chaque fois qu’il fallait mettre la main à la pâte. Dans les semaines qui suivent, les gens qui le côtoient se mettent à parler fort et lentement avec lui, pensant qu’il n’arrive plus à les suivre. Sa voix se fait de plus en plus faible, il se retire, parle moins qu’autrefois. Lorsqu’il découvre un moyen technique permettant de distinguer entre une voix d’homme et une voix de femme, il trouve que cela ferait son affaire.

Non pas tel quel
Il est moins une lorsque Willi Dudler finit par se laisser convaincre par le désir de sa femme de numériser sa voix. Et l’entourage réagit positivement. Quand une connaissance ne comprend plus sa propre voix, il lui fait écouter un enregistrement effectué avec une voix synthétique créée à partir de son essence vocale. « Mais c’est toi ça ! », se réjouit-elle. Au début, cela lui faisait quand même un peu drôle, se souvient sa femme. « La voix numérique se rapproche à environ 75 % de la voix originale », fait-elle remarquer. Même si la voix naturelle n’est pas reproduite telle quelle, elle s’y est entre-temps habituée.

Voice Banking avec le concours de l’Association SLA Suisse
En coopération avec Acapela Group, l’Association SLA Suisse met à la disposition de ses membres l’accès gratuit à la prestation Voice Banking qui leur permet de stocker puis de reproduire leur propre voix sur un support numérique. Disponible depuis l’année passée, cette aide importante inclut la couverture des coûts élevés de cette technologie. Il s’agit d’une réalisation décisive pour les personnes atteintes de SLA qui pourront ainsi désormais préserver leur voix et, par conséquent, maintenir une certaine normalité. Pour obtenir des informations complémentaires, veuillez de visiter le site www.als-schweiz.ch/fr/offres/voice-banking/

Formes possibles de la SLA
Spinale (60 à 70 % des cas, affectant les bras et les jambes), bulbaire (20 à 30 % des cas, portant atteinte aux muscles de la parole, aux muscles masticateurs et à ceux de la déglutition), respiratoire (quelque 5 % des cas, touchant logiquement les muscles respiratoires) et la forme dite du syndrome « Flail arm » (environ 3 % des cas, avec un effet préjudiciable sur la musculature de l’épaule et de la partie supérieure du bras).

Perte de la voix
La voix individuelle constitue un élément essentiel de l’identité d’une personne. En être privé peut provoquer une dépression, de la colère et un sentiment de honte, ce qui peut mener à l’isolement.

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Une vraie vie

Voici le récit d’un jeune homme prêt à affronter la misère des enfants des rues en Afrique de l’Ouest avant de faire face, à son retour en Suisse, à un diagnostic médical qui lui enlève toute perspective de vie . Son envie de vivre, empreinte de douceur et d’humilité, est impressionnante et témoigne d’une force mentale ne laissant aucune place à la résignation.

Nicolas Gloor veut devenir enseignant. C’est alors qu’il découvre par hasard sa profession de rêve : éducateur. Il part pour l’Afrique pour s’engager dans sa profession auprès d’un centre d’accueil des enfants des rues établi au Sénégal et, de retour en Suisse avec plein de projets en tête, il crée une association s’occupant de ces enfants défavorisés. Mais à 26 ans, il est confronté au diagnostic de la SLA (sclérose latérale amyotrophique), cette maladie incurable et mortelle qui affecte le système nerveux (voir l’encadré). Nous avons rendu visite à un jeune homme dont l’espérance de vie s’en trouve extrêmement réduite mais dont l’envie de vivre est intacte.

Dans une interview, vous disiez n’avoir d’autre choix que d’aller de l’avant. Comment y parvenez-vous ?
Savoir que mes jours sont d’ores et déjà comptés n’est pas facile à accepter. En même temps, je peux me dire que soit je déprime, suis triste et en colère, soit au contraire, je suis content, entouré de ma famille et de mes amis, donc autant me dire que je profite de ce que je peux encore faire. Donc plutôt que d’être simplement présent, vivre une vraie vie jusqu’à la fin.

Qu’est-ce qui vous aide à supporter votre situation?
Il arrive souvent que je doive rassurer les gens. Cela m’aide dans le sens où j’augmente ma force mentale en pouvant être fort envers les autres. Ma meilleure amie me dit souvent : Nicolas, qu’est-ce que je ferai quand tu ne seras plus là ?

Quelles sont vos autres ressources ?
J’ai des personnes qui m’aiment et que j’aime ; quelqu’un passe chez moi chaque jour. Les compétences que j’ai acquises durant mes études constituent également une ressource. J’ai appris à analyser, à réfléchir – justement sur mes ressources et mes limites. De même, j’ai été témoin d’événements de la vie très cruels, j’ai rencontré la pauvreté, le malheur, pas seulement au Sénégal mais aussi en Suisse. Cela me permet de prendre un certain recul par rapport à mon propre sort. J’ai ma foi, quelque chose de tout à fait personnel qui m’aide. Bien sûr, 27 ans, c’est un peu jeune mais c’est comme ça. J’ai pleinement vécu ma vie.

Vous restez positif malgré votre maladie mortelle – comment faites-vous pour garder une telle attitude ?
Je ne sais pas non plus. Naturellement, je trouve terrible ce qui m’arrive, la SLA est probablement l’une des pires maladies qui existent. Beaucoup de gens disent qu’ils ne supporteraient pas une telle situation mais je ne le crois pas. Peut-être que j’ai cette maladie justement parce que j’ai la force en moi pour y faire face.

Comment s’imaginer la progression de votre maladie au quotidien ?
Un des pires moments que j’aie vécu, c’est lorsque je voulais préparer des pâtes et que j’avais de la peine à remplir la casserole d’eau. Finalement, j’y suis parvenu mais je ne pouvais plus vider la casserole quand les pâtes étaient prêtes. J’ai bien essayé mais en voyant que je m’ébouillanterais, j’ai laissé tomber. Cela m’a tellement énervé et attristé. J’ai alors appelé quelqu’un pour lui demander de venir me donner un coup de main. C’était à midi. Le soir, j’ai à nouveau appelé quelqu’un pour lui demander de l’aide. Je n’avais plus envie de me faire à manger. Après avoir consommé pendant quelque temps des plats préparés à chauffer au four, j’ai commencé à commander des repas livrés à domicile.

Entre autonomie et dépendance – comment faites-vous pour trouver le juste milieu entre les deux ?
C’est peut-être le plus difficile pour moi. Pour donner un exemple : me brosser les dents avec la brosse électrique – suis-je en mesure de la mettre en marche moi-même ou quelqu’un le fait-il à ma place ? Cette question se pose à moi chaque jour. Il y a des jours où je suis content que quelqu’un s’en occupe . D’un autre côté, je veux si possible garder au maximum mon autonomie.

Vous vivez seul dans un petit appartement – comment voyez-vous votre forme d’habitation à l’avenir ?
C’est l’une des questions principales qui se posent actuellement. Combien de temps est-ce que je peux ou veux encore y habiter. Comme j’aurai tôt ou tard besoin d’une place en institution, je ne voudrais pas attendre trop longtemps. C’est pourquoi j’ai fait un séjour d’essai au « Plein Soleil » [www.ilavigny.ch]. C’était mieux que je ne le craignais. J’aurais même davantage de liberté qu’aujourd’hui. Je pourrais rentrer à deux heures du matin, ce que je ne peux pas me permettre ici du fait que je dois être réveillé le matin à l’arrivée de la personne des soins à domicile.

Votre vie a complètement basculé contre votre volonté – et malgré tout vous n’avez pas l’air aigri.
Bien sûr, il y a régulièrement des jours plus compliqués. Mais je me dis depuis le diagnostic qu’il s’agit à présent d’en tirer le meilleur parti. Comme lors de mon expérience avec la casserole. Je suis convaincu qu’il est important de vivre de tels moments. La colère et la tristesse doivent pouvoir s’exprimer. Aujourd’hui, j’arrive de mieux en mieux à m’autoriser à passer un moment de tristesse. Le soir, quand je suis seul. Mais lorsque je suis en compagnie, j’aimerais en profiter au max. La maladie est bien présente mais elle n’a pas pleine emprise sur ma vie.

Comment votre raison de vivre a-t-elle changé ?
Ma raison de vivre, c’était d’avoir des enfants. Elle a été effacée dès le diagnostic. Du coup, j’ai dû en faire le deuil. Ce qui m’est resté comme but dans ma vie, c’est de passer de préférence du temps avec des personnes que j’aime. Une rando en montagne n’est naturellement plus possible mais je peux toujours voir des amis pour boire un pot ensemble.

Qu’en est-il de la spontanéité ?
Cela n’est plus possible. En raison des visites de l’équipe soignante. La première a lieu entre neuf et dix heures du matin, la deuxième à midi, puis entre 15 et 17 heures et la dernière à huit heures du soir. Si je ne suis pas à la maison à cette heure-là, personne ne va m’aider à me coucher. Mes amis peuvent certes de temps en temps remplacer au pied levé la personne des soins à domicile mais je ne voudrais pas le leur demander trop souvent.

Voyez-vous aussi des avantages en étant atteint d’une grave maladie ?
Absolument – je ne dois pas penser à demain, n’ai pas besoin de mettre de l’argent de côté. Je peux vivre dans le présent. Lorsque j’ai envie de voir mes amis, je le fais, un point c’est tout.

Vous disiez d’entrée qu’il n’était pas simple d’accepter que vos jours soient d’ores et déjà comptés. Ils le sont pour tous, non ?
Exactement, chacun peut mourir demain. Mais pour moi, c’est une chance de savoir que ma fin approche. Si quelqu’un meurt inopinément, sa fin de vie aura aussi été proche. Toute la différence, c’est que moi j’y suis préparé.

Quels sont vos liens avec l’Association SLA Suisse ?
J’en ai entendu parler la première fois au CHUV à Lausanne où on m’a remis une documentation à ce sujet. Ensuite j’ai vu que l’association proposait des rencontres mais je n’avais à l’époque pas le besoin de faire la connaissance d’autres personnes. Par la suite, j’ai pris part à une rencontre. Celle-ci m’a fait du bien car les participants n’étaient pas aussi pessimistes que je ne le craignais mais avaient au contraire une attitude positive. J’ai trouvé super ! Par ailleurs, un de mes thérapeutes connaissait le dépôt de moyens auxiliaires de l’association où j’ai pu obtenir en prêt un fauteuil roulant. Il m’a été livré dans le délai d’une semaine. Mon fauteuil releveur provient également du dépôt et me facilite énormément la vie. C’est bon de savoir qu’il y a des gens qui sont là pour moi.

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